Madrasa Qaratây/Qartawîya (734/1333)
Localisation :
rive gauche du nahr Abû ‘Alî, attenant au mur sud-est de la Grande Mosquée
(plan, n°3).
Réf :
Meinecke (1992), 9C/310
Salam-Liebich (1983), p.107-118
Sobernheim/Berchem (1909), p.61-83
Sobernheim/Berchem
(1909), n°26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34
Historique
L’édifice est fondé par
l’émir Shahâb al-Dîn Qaratây, gouverneur de la ville (en fonction de
716/1316 à 726/1326 et de 733/1332 à 734/1333). On lui doit les travaux du
minbar de la Grande Mosquée en 726/1326.
Bien que l’édifice ne porte pas d’inscription de fondation, il peut-être daté
d’après le décès de Qaratây en 734/1333, qui est inhumé dans ces lieux et
identifié par son blason. La construction de la madrasa est voisine de cette
date.
Un passage longeant le
mur sud de l’édifice permet d’accéder à l’entrée sud-est de la Grande Mosquée à
partir des ruelles du sûq. Ce mur sud (ill.10) reçoit une dizaine
d’inscriptions gravées sur les pans de mur entre les quatre ouvertures avec
linteaux ornés (ill.9-13), toutes ces inscriptions sont des décrets promulgués
entre 826/1423 et 909/1504 par les gouverneurs successifs de Tripoli, ils n’ont
aucun liens avec l’histoire de l’édifice mais concernent l’abolition de
diverses taxes et pratiques imposées aux habitants de la région (ill.14, 15).
Une autre inscription, non datée, sur le linteau du portail d’entrée reprend la
sourate XV, 45-47 du Coran (inscription n°1). Ce portail en ablaq présente deux
colonnettes et un panneau géométrique encadrant un oculus. L’arc à chevron qui
domine le portail est un élément décoratif assez commun sous les Mamluk, on le
retrouve parmi les vestiges du khân al-Manzîl
et à Alep au sabîl
Ishiqtamur/Sakakinî (771/1369), et aux mosquée
al-Bayyada/al-Sarawî (780/1378) et al-Fustuq (765/1363) ainsi
qu’à Jérusalem sur une ouverture au ribat al-Mansûrî
(681/1282) et sur des fontaines publiques construites par le sultan Ottoman
Sulaiman[1].
Le plan de l’édifice
correspond à celui d’une madrasa à 3 iwan et cour centrale avec fontaine surmontée
d’un dôme, l’iwan sud prolongé à l’est et à l’ouest et fait office de salle de
prière (ill.1).
Épigraphie
n.d. Inscription du Coran
sur le linteau de l’entrée nord (inscription n°1).
« Coran XV,
45-47 ».
826/1423. Décret du
gouverneur Qasraûh, 4 lignes (63x36 et 12x36) sur la façade sud entre les
ouvertures 1 et 2 (inscription n°2, ill.14)[2].
« (1) Le 1er
ramadan de l’année 826 (8 août 1423) parut (2) un édit royal du sultan al-Malik
al-Ashraf Barsbay, qu’(Allâh) fasse durer (3) son règne, (ordonnant) qu’on
supprime les charges imposées au pays de Tripoli pour les chevaux de
poste ; (4) en conséquence, son Excellence très honorée, Qasraûh, le
gouverneur de la province, s’est conformé (à cet ordre). Et maudit soit avec
son père celui qui rétablira (ces charges) ou qui renouvellera (ces
abus) ».
846/1442. Décret du
gouverneur Barsbay al-Nâsirî, 2 fois 4 lignes (130x40 et 40x40) sur la façade
sud avant l’ouverture 1 (inscription n°3)[3].
« (1) A la date du 1er
jumada II de l’année 846 (7 octobre-4 novembre 1442) parvint un édit royal
in-quarto du cabinet militaire, concernant la remise faite aux habitants (2) de
Qadmûs des droits prélevés sur les métiers à tisser et des impôts sur les
vignes à Qadmûs, remise éternelle, inviolable et inaltérable, (3) et concernant
l’inscription, dans la grande Mosquée, (de l’ordre susdit) de les délivrer de
cette injustice, pour que cette bonne action soit enregistrée dans les actes
royaux, dans le but de gagner (4) les pieuses prières en faveur de ce juste
empire, dont Allâh daigne conserver le sultan, al-Malik al-Zâhir Jaqmaq, que sa
victoire soit puissante ! C’est alors que fut promulgué le noble décret de
notre maître le préfet général (1)
Barsbay al-Nâsirî
al-Zâhirî, (2) gouverneur de la province royale de Tripoli. (3) Et que maudit
soit, ainsi que son père, celui qui tentera (4) de renouveler cette injustice
et de la remettre en usage ».
851/1447. Décret du
gouverneur Yashbak al-Sûfî, 12 lignes (40x80) dans le mur d’une maison
vis-à-vis de l’entrée de la mosquée et de la madrasa (inscription n°4)[4].
« (1) A la date du
jeudi 1er sha’ban (2) de l’année 851 (12 octobre 1447) arriva un
décret royal in-quarto (3) du bureau des armées victorieuses musulmanes,
ordonnant (4) qu’on abolît les mesures introduites au préjudice des habitants
de Qadmûs, Kahf, (5) Manîqa, ‘Ulaiqa et Khawabî, des districts de Tripoli, (6)
touchant les vêtements de coton et la tournée d’inspection du majordome, (7) en
vertu du décret royal in-quarto daté du (8) mois sacré de dhu’l-hijja de l’année
836 (juillet-août 1433), et qu’on ne leur cherche plus de chicane et qu’on ne
leur renouvelle plus d’injustice, (9) pour que ces bonnes actions soient
enregistrées dans les actes royaux, dans le but de gagner les prières (10) des
sujets en faveur de la durée de ce juste règne. Sous le gouvernement de sa
haute Excellence (11) le maître Saif al-Dîn Yashbak al-Sûfî, qu’Allâh fortifie
ses victoires ! »
865-876/1461-1471. Fragments
d’inscription du gouverneur Iyâs al-Muhammadî, 2 lignes (185x20) sur le mur sud
vers porte d’entrée (inscription n°5)[5].
« (1)… (pour gagner)
les prières pieuses en faveur de notre maître le sultan al-Malik al-Ashraf
Inâl, qu’Allâh fasse durer son règne et fortifie sa victoire, et (2) de notre
maître le préfet général, gouverneur de la province royale tripolitaine la bien
gardée, Iyâs al-Muhammadî, qu’Allâh fortifie ses victoires ! »
872-901/1468-1495. Décret
du gouverneur Inâl al-Ashqar, 4 lignes (175x36) sur la façade sud entre les
ouvertures 1 et 2 (inscription n°6, ill.14)[6].
« (1) Louange à Allâh…
Sous le règne de notre seigneur le sultan al-Malik al-Ashraf Abu’l-Nasr
Qaytbay, qu’Allâh prolonge sa domination royale, son Excellence très honorée et
haute, le maître, le seigneur, l’homme au pouvoir, le bien servi, portant le
titre de gouverneur, Saif al-Dîn Inâl al-Ashqar (2) al-Yahyâwî al-Zâhirî
al-Ashrafî notre maître, le préfet général, gouverneur de la province royale de
Tripoli la bien gardée, qu’Allâh fortifie ses victoires et mette à ses actions
le sceau des œuvres pies, a ordonné d’abolir la taxe prélevée sur l’abatoir de
Tripoli (3) au bénéfice du bureau du gouverneur et fixé à 80 dirhams par jour.
(Il l’a fait) dans le désir d’obtenir la rémunération et la récompense d’Allâh
et d’accord avec leurs deux Excellences honorées et hautes, le grand chambellan
portant le titre de gouverneur et Taqî al-Dîn Abû Bakr al-Husainî, secrétaire
privé royal à Tripoli, qu’Allâh fortifie leurs (4) victoires et augmente leur
pouvoir ! La taxe pour le bureau du secrétaire privé se monte à 21 dirhams
et la taxe pour le bureau du grand chambellan à 13 dirhams. Il a agi ainsi pour
que cette bonne œuvre soit enregistrée dans nos actes…. Et maudit soit, avec
son père, celui qui renouvellera cet abus ou changera quelque chose à ces
dispositons ».
872/1468. Fragment
d’inscription, 1 ligne (60x10) sur le même mur entre les ouvertures 1 et 2
(inscription n°7, ill.14)[7].
« A la date du 25
rajab l’excellent de l’année 872 (18 février 1468) ».
888/1483. Décret du
gouverneur Inâl al-Ashrafî, 5 lignes (300x60) sur le même mur entre les
ouvertures 2 et 3 (inscription n°8)[8].
« (1) Louange à
Allâh …. Au commencement (du mois) de dhu’l-hijja le sacré de l’année 888 (31
décembre 1483), les commerçants en gros et en détail se présentèrent au palais
de justice royal pour se plaindre de la vente forcée qui leur était imposée à
Tripoli, et s’ils s’adressèrent à la bienveillance généreuse (du gouverneur)
pour en être exemptés. C’est alors que fut promulgué le décret noble et (2)
haut du gouverneur Saif al-Dîn Inâl al-Ashrafî, notre maître le préfet général,
gouverneur de la province royale de Tripoli la bien gardée, qu’Allâh fortifie
ses victoires, (ordonnant) d’abolir les injustices, c'est-à-dire la vente à
prix forcés imposée à eux, commerçants en gros et en détail de Tripoli la bien
gardée, sur le savon, les raisins, (3) l’huile et les autres articles qu’ils
vendent à l’ordinaire, et (ordonnant) d’inscrire le présent arrêté sur la face
d’une pierre, pour qu’il conserve à toujours force de loi, si Allâh le veut
bien, dans l’avenir. (Il a fait cela) dans le désir d’obtenir la grâce d’Allâh
et recherchant sa récompense, et pour attester la vérité de la tradition du
prophète Muhammad, semon sa parole : « celui qui fait une belle
action en aura la récompense (4) et la récompense de ceux qui agiront
conformément, jusqu’au jour de la résurrection ; mais celui qui commet une
mauvaise action en encourra le châtiment et le châtiment de ceux qui agiront
conformément, jusqu’au jour de la résurrection ». (Il l’a fait aussi) pour
attirer les prières des sujets sur notre maître sa majesté royale, magnifiée,
le prince puissant, le maître di glaive et de la plume, de l’étendard et du
drapeau, le serviteur des deux sanctuaires saints (5), notre maître le sultan
al-Malik al-Ashraf Qaitbay, qu’Allâh fasse durer son empire et dirige son
étoile dans la voie de l’étoile du bonheur. Et si quelqu’un touche à ses
dispositions après en avoir pris connaissance,
son crime retombera précisément sur ceux qui y toucheront. Car Allâh
entend et sait tout ».
889/1484. Décret du
sultan Qaitbay, 5 lignes (85x30) sur le même mur entre les ouvertures 3 et 4
(inscription n°9, ill.15)[9].
« (1) Louange à
Allâh. A la date du 20 du mois d’Allâh muharram le sacré de l’année 889 (18
février 1484), parvint le haut décret royal de notre maître (2) le sultan
al-Malik al-Ashraf Saif al-Dîn abu’l-Nasr Qaitbay, qu’Allâh l’élève, l’honore,
le rende exécutoire dans le monde et lui donne pleine autorité, ordonnant
d’abolir la taxe (3) sur les métiers de soie et sur la boucherie à Kahf et à
Qadmûs et d’abolir aussi la taxe sur l’abatage des bœufs et des buffles, sur
l’abatage des moutons et sur les billots des cordonniers (4) à Qadmûs et à
Khawabî, en vertu des décrets royaux que les habitants de ces localités ont
entre les mains, selon la coutume en usage chez eux, à la suite de la requête
pourvue de l’apostille royale, prséentée (5) par les gens de Kahf, de Khawabî
et de Qadmûs à la date du 9 ramadan 888 (11 octobre 1483) ».
909/1504. Décret du
gouverneur Qansaûh al-Yahyâwî, 4 lignes (165x12 et 180x12) sur le même mur
entre les ouvertures 2 et 3 (inscription n°10)[10].
« (1) Louange à
Allâh ! lorsque notre maître le préfet général, son Excellence très
honorée, portant le titre de gouverneur, Saif al-Dîn Qansaûh al-Yahyâwî,
gouverneur de la province royale de Tripoli (2) la bien gardée, qu’Allâh
fortifie ses victoires, eut appris que l’intendant du château fixe pour sa part
la moitié et que le reste est prélevé sur le waqf du sanctuaire sacré du
Prophète – la meilleure bénédiction soit sur lui ! - …… et qu’il les
charge d’impôts, de taxes, de corvées et d’autres exactions, il a fait proclamer
l’ordre d’exempter de ces injustices et de ces innovations les agriculteurs du
waqf, par une exemption légale, qui durera perpétuellement. (Il a agi ainsi)
désirant la rémunération et la récompense, et l’intercession du seigneur des
prophètes (Mahomet). (Il a spécifié) qu’on ne pourra rien extorquer aux
agriculteurs du waqf au-delà de la capitation légale et de l’impôt (foncier)
fixé. Maudit soit, avec son père, celui qui contreviendra à cette ordonnance et
la modifiera à l’avenir. A la date du 10 ramadan de l’année 909 (26 février
1504). Louange à Allâh l’unique ».
Biblio
complémentaire :
Saliba (1994)
Mols (2006), n°11
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1/ plan de la madrasa avec localisations des inscriptions |
2/
élévation sud et nord de la madrasa |
3/ section
de la madrasa |
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4/ relevé du portail |
5/ vue du
portail |
6/ le
panneau géométrique du portail |
7/ vue de
la voûte du portail |
8/ plan de la voûte du portail |
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9/ relevé d’une ouverture du mur sud |
10/ vue du
mur sud depuis l’est |
11/
l’ouverture 4 du mur sud |
12/
l’ouverture 3 du mur sud |
13/ l’ouverture 2 du mur sud |
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14/ décrets datés 826/1423, 872-901/1468-1495 et 872/1468 entre les
ouvertures 1 et 2 |
15/ décret
daté 889/1494 entre les ouvertures 3 et 4 |
Documents anciens
[1] Cf. inventaire des fontaines ottomanes de Jérusalem, in Ottoman sabîl of Jerusalem, (2010).
[2] Texte d’après Sobernheim/Berchem (1909), n°26.
[3] Texte d’après Sobernheim/Berchem (1909), n°27.
[4] Texte d’après Sobernheim/Berchem (1909), n°28.
[5] Texte d’après Sobernheim/Berchem (1909), n°29.
[6] Texte d’après Sobernheim/Berchem (1909), n°30.
[7] Texte d’après Sobernheim/Berchem (1909), n°31.
[8] Texte d’après Sobernheim/Berchem (1909), n°32.
[9] Texte d’après Sobernheim/Berchem (1909), n°33.
[10] Texte d’après Sobernheim/Berchem (1909), n°34.