Qal’at ‘Aintab/Gaziantep Kalesi (n.d.)
Localisation : vieille ville de Gaziantep, au nord-est du centre ville moderne.
Réf :
Amouroux-Mourad (1988), pl.IV
Chesney (1850), p.350
Devonshire (1922), p.1-43
Eddé (1984), p.68-70
Korn (2004), p.273-274
Meinecke (1992), 4/7, 25B/9, 42/133
Poujoulat (1841), II, p.2
Sinclair (1990), 103-106
Oppenheim/Berchem (1909), n°137, 138, 139
TEI, n°11414, 12583, 58577, 58578
Historique
La citadelle actuelle occupe un grand tell ovoïde, elle comprend 13 tours rectangulaires et polygonales, l’accès au site se fait à l’ouest par une rampe, un pont et une tour-porte (ill.2, 38-40, 53, 54). Le glacis qui recouvrait la pente du talus est encore bien conservé à certains endroits (ill.12-14). Des parties maçonnées dont des pans de murs, des fortifications et une tour occupent la partie nord-ouest du tell (ill.24-31). Le fossé semble aussi abriter des constructions sans plus de précisions (ill.35-37).
Périodes antérieures
L’histoire de la citadelle est mal connue, on sait que le site est occupé dès l’Age du Bronze, par les Romains et ensuite les Byzantins qui restaurent la citadelle au 6e siècle.
La citadelle est conquise par les Omeyyades au 7e siècle ; sous les Abbassides, Harûn al-Rashid (r.786-809) en fait une place forte frontalière importante de son territoire (thughûr) face à l’Empire Byzantin.[1]
En 1098 les Francs prennent la ville et la remettent à Joscelin de Courtray, qui l’intègre au Comté d’Edesse. Après la chute du Comté en 1144 avec Zengui, ‘Aïntab reste aux mains de Joscelin II jusqu’en 1150 puis le site est récupéré par les Byzantins, après la conquête de la ville par Nûr al-Dîn en 550/1155, la citadelle est confiée à des gouverneurs.
Période Ayyûbide
A la fin du 6e/12e siècle Husam al-Dîn ibn Nâsir al-Dîn, un des gouverneurs nommés par Nûr al-Dîn entame une phase de restauration et d’aménagement de la citadelle.
Une deuxième phase de travaux est attribuée à al-Sâlih Ahmad, en poste de 624/1227 à 650/1252, cette phase concerne l’élargissement des fortifications et la construction d’un palais et de plusieurs habitations avec décor de marbre.
Période Mamluk
Sous les Mamluk la citadelle est brièvement occupée par les Mongoles en 659/1260, le sultan al-Zâhir Baybars (r.17 dhu’l-qa’da 658/24.X.1260 – 27 muharram 676/30.VI.1277) a certainement entreprit des travaux de restaurations après le départ des troupes mongoles. Le site est de nouveau attaqué par les Ilkhânides en jumada II 679/X.1280.
En 791/1389, l’émir Mintash, alors gouverneur de Malatya,[2] se révolte contre le nouveau sultan nommé au Caire, al-Zâhir Barqûq (1e règne 19 ramadan 784/26.XI.1382 - 6 jumada II 791/2.VI.1389). Après la prise de la citadelle par le sultan Barqûq (2e règne 14 muharram 792/2.I.1390 - 15 shawwal 801/20.VI.1399) en safar 793/8.I-5.II.1391, il est fait mention d’une porte détruite qui a probablement été renouvelé sur son ordre.
La citadelle refait parler d’elle pendant le long règne du sultan al-Ashraf Qaitbay (r.6 rajab 872/31.I.1468 – 27 dhu’l-qa’da 901/7.VIII.1496). Face à la menace des Ottomans, le sultan entame une inspection personnelle des places fortes frontalières,[3] il ordonne de vastes restaurations (voire reconstructions) de plusieurs citadelles de la région dont ‘Ayntâb/Gaziantep, la Citadelle d’al-Birâ/Bireçik ainsi que le mur d’enceinte de la ville. Il se rend lui-même sur place le 8 rajab 882/16.X.1477 et ordonne une réfection quasi-totale de la plupart des tours, cette campagne de travaux s’achève en 886/1481. Malgré son ampleur, cette campagne n’est documentée que par l’unique inscription datée 886/1481 sur le linteau d’accès de la tour-porte TA (ill.47-49, 59). On trouve aussi plusieurs cartouches gravés au nom de ce sultan sur la tour d’accès TA (ill.47-49, 59), la tour TB (ill.46, 63-66) et la tour nord-ouest T NW (ill.30, 60-62). Ces deux dernières portent aussi chacune une inscription de deux lignes, illisible, toutefois le décor floral aux extrémités des cadres est une caractéristique courante des inscriptions du sultan Qaitbay (ill.30, 46, 60, 64).
Les tours T01, T02 et T03
présentent des cartouches inscrits (ill.7-12) et aussi un blason sur la tour
T02 (ill.10), trop corrodés, ils sont difficiles à déchiffrer. Ce blason semble
reproduire le même modèle que les deux exemplaires sur la tour-porte TA
(ill.48). Enfin, un cadre avec extrémités en palmettes, prêt à recevoir
une inscription, a été gravé sur la porte d’accès de la citadelle vers T13 mais
il est resté vierge (ill.41, 54).
Telle qu’elle apparaît aujourd’hui et au vu des nombreux témoignages, la citadelle peut donc être en grande partie attribuée au sultan Qaitbay.
Les tours T04 (ill.11, 12)[4] et T06 (ill.15, 16)[5] présentent chacune un bandeau inscrit qui mentionnent les travaux du sultan Sulaiman II (r.926/1520-974/1566), qui font suite à la conquête des lieux par les Ottomans. D’autres travaux sont attribués à Muhammad Ali entre 1832 et 1840, pourtant certianes photos du début 20e siècle montrent l’extérieur de la citadelle en bien mauvais état (voir plus bas). Le siège de la ville par les Troupes du Levant entre octobre 1920 et février 1921 a entrainé des aménagements et des travaux de fortification de la citadelle.[6]
La galerie G01 abrite un petit musée (ill.55-57) et la galerie G02 mène à l’intérieur de la Citadelle (ill.58), qui est ouvert au public et en cours de fouilles (ill.1).
La citadelle a été dûrement touchée par le fort séisme du 6 février 2023 occasionnant des dégâts et l’effondrement de tours et de courtines, ces parties détériorées sont en cours de restaurations.[7]
Epigraphie
ca.880/1477. Cartouche 3 lignes de part et d’autre de l’inscription de construction du linteau de l’accès à la tour TA (ill.47, 48).[8]
« Gloire
à notre maître, le sultan al-Malîk al-Ashraf Abu’l-Nasr Qaitbay, gloire à sa
victoire ».
ca.880/1477. Inscription 2 lignes flanquée de 2 cartouches sur la tour TB (ill.46, 63-66).[9]
Texte
non disponible.
ca.880/1477. Inscription 2 lignes flanquée de 2 cartouches sur la tour nord-ouest TNW (ill.30, 60-62).[10]
Texte
non disponible.
886/1481. Texte de construction, 1 ligne sur le linteau de l’accès à la tour TA (ill.49, 59).[11]
« Sa
construction a été ordonnée par notre maître le sultan al-Malik al-Ashraf
Abu’l-Nasr Qaitbay, que sa victoire soit glorifiée ! dans l’année 886 de
la fuite du Prophète, de l’Hégire ».
Biblio complémentaire :
Vachon (1994), n°5
Kolakoglu (2005), p.291-303
Kara/Ural (2015), p.449-460
Yamaç (2023)
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1/ vue aérienne de la citadelle Source : Google Earth |
2/ croquis de la citadelle avec localisation des
inscriptions |
3/ vue de la citadelle depuis le
nord depuis le musée des mosaïques |
4/ vue de la citadelle depuis l’ouest |
5/ vue du front ouest |
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6/ vue du sud-ouest avec les tours T01 à T03 |
7/ les tours T01 et T02 |
8/ la tour T01 |
9/ la tour T02 |
10/ les tours T02 et T03 |
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11/ les tours T03 et T04, avec le
bandeau inscrit daté 974/1566 |
12/ les tours T04, T05 et T06 |
13/ la tour T06 |
14/ vue du front sud-est avec T06 |
15/ la tour T06 avec le bandeau inscrit daté
974/1566 |
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16/ la tour T06 |
17/ vue du front est avec les tours
T07, T08 et T09 |
18/ les tours T07 et T08 |
19/ les tours T058 et T09 |
20/ la tour T09 |
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21/ vue du front nord-est |
22/ les tours T09 et T10 |
23/ vue du font nord |
24/ vue du front nord-ouest |
25/ vue depuis le nord-ouest avec la
tour NW |
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26/ les fortifications à la base du
talus au nord-ouest |
27/ la tour nord-ouest (T NW) |
28/ la tour nord-ouest |
29/ la tour nord-ouest |
30/ la tour nord-ouest avec son
inscription et les cartouches inscrits |
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31/ les fortifications à droite de
la tour nord-ouest |
32/ la tour T13 et l’accès |
33/ la tour T13 |
34/ les vestiges à la base de la tour T13 |
35/ les vestiges du fossé |
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36/ les vestiges du fossé |
37/ vue du fossé depuis la passerelle d’accès |
38/ vue de l’accès à la citadelle |
39/ vue de l’accès à la citadelle
avec la tour T01 |
40/ la passerelle d’accès |
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41/ la partie haute de l’accès |
42/ la tour TB et la rampe d’accès |
43/ côté ouest de la tour TB |
44/ la partie haute de la tour TB |
45/ la façade de la tour TB |
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46/ l’inscription et les cartouches inscrits de la
tour TB |
47/ la tour TA depuis la rampe d’accès |
48/ la tour TA |
49/ l’inscription datée 880/1475 |
50/ la niche droite de la tour TA
depuis la passerelle |
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51/ la niche gauche de la tour TA depuis la passerelle |
52/ une archère de la tour TA |
53/ la tour TA depuis la passerelle |
54/ l’accès à la citadelle |
55/ le corridor G01 depuis
l’extérieur |
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56/ le corridor depuis l’intérieur |
57/ le couvrement du corridor |
58/ le corridor G02 depuis
l’intérieur |
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59/ l’inscription datée 886/1481 sur le linteau de
l’accès à la tour TA |
60/ l’inscription datée ca.880/1475 sur la tour
nord-ouest |
61/ le cartouche inscrit gauche sur
la tour nord-ouest |
62/ le cartouche inscrit droit sur la tour nord-ouest |
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63/ l’inscription datée ca.880/1475 sur la tour TB |
64/ l’inscription de deux lignes sur la tour TB |
65/ le cartouche inscrit gauche sur
la tour TB |
66/ le cartouche inscrit droit sur la tour TB |
Documents anciens
Poujoulat (1841), II, p.2. Visite en octobre 1837.
La cité est groupée autour d'une citadelle, bâtie sur une colline de
forme ronde. Cette citadelle, avec ses fossés profonds creusés dans le roc, ses
murs revêtus de pierres de taille, pourrait, avec quelques réparations, devenir
encore une forte place militaire.
Chesney (1850), p.350. Visite entre 1835 et 1837.
[…] ‘Aïn-tâb, the supposed Antiochia ad Taurum. This city is on the river
Sajur, at the foot of the mountains, and near the commencent of the plain
leading to Aleppo : it is shut in, on the side of the plain, by a low
range of hills ; and, on a detached hill, rising above the higher part of
the town, at the opposite extremity, is the castle, a respectable work,
strikingly like that of Aleppo.
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Vue de la citadelle entre
1835 et 1837 Source : Chesney
(1850) |
Vue de la citadelle Source : Puchstein
(1890) |
Vue de la citadelle vers
1900 Source : facebook
Gaziantep yakin tarihi |
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Vue de la citadelle vers
1920 Source :
houshamadyan.org |
Vue de la citadelle non
datée Source :
houshamadyan.org |
Vue de la citadelle
d’après une carte postale de 1941 Source :
eskitürkiye.com |
[1] Sur la question des frontières et de ses places fortes, cf. Bonner (1994), p.17-24 ; Eddé (1984).
[2] La ville de Malatya est conquise par le gouverneur de Damas, Sayf al-Dîn Tankiz, en 715/1315.
[3] Sur la menace Ottomane, cf. Har El (1995) ; sur le voyage de Qaitbay, cf. Devonshire (1922), p.1-43.
[4] Texte, in TEI, n°11250.
[5] Texte, in TEI, n°13036.
[6] Sur le siège de Aintab, cf. Abadie (1922).
[7] Cf. IRCICA (2023), p.82-85. Voir vidéo sur l’édition en ligne du Guardian datée 6 février 2023.
[8] D’après TEI, n°12583.
[9] D’après TEI, n°58577.
[10] D’après TEI, n°58578.
[11] Traduction d’après le texte de Oppenheim/Berchem (1909), n°137.